Itamar Vieira Junior : “Nous vivons une période d’essor de la littérature brésilienne contemporaine.”
Depuis la publication de Charrue tordue en 2019, Itamar Vieira Junior est devenu une figure majeure de la scène littéraire contemporaine au Brésil, remportant tout à la fois les suffrages de la critique et du public. Il était l’un des invités du festival Étonnants Voyageurs. Rencontre
Votre premier roman, Charrue tordue, publié en français aux éditions Zulma (lire l’interview de Valentin Féron), figure dans le classement des 25 meilleurs romans du premier quart de siècle établi par le quotidien brésilien Folha de São Paulo…
Cette liste est bien représentative du panorama littéraire brésilien contemporain. Je pense que c’est une sélection qui prouve le changement qui s’est opéré dans la littérature brésilienne ces dernières années, à partir du moment où la diversité sociale de la société s’est répercutée dans les arts. Donc c’est bien un tableau de notre époque, de montrer cette diversité sociale du Brésil qui pendant longtemps a été omise ; on n’en parlait pas publiquement. Et maintenant, il semblerait que le pays émerge en cherchant à connaître son passé, son histoire et l’importance de chacun dans la formation du pays.
C’est exactement ce qu’expliquait l’autrice et journaliste brésilienne Eliana Alvez Cruz lors de l’une des conversations du festival Étonnants Voyageurs. Elle parlait même d’ “un moment décisif”. Et que “tous les textes de la délégation brésilienne présentés cette année avaient aidé les Brésiliens à se réveiller”...
À travers ses écrits, l’auteur cherche toujours à interpréter, enregistrer son époque, et évoquer les questions importantes qui la traversent. Même quand il s’agit d’une oeuvre historique, c’est un récit historique mais écrit à la lumière d’une époque. La littérature brésilienne aujourd’hui se montre diverse, avec une grande importance des auteurs noirs et indigènes dans la composition de cette nouvelle littérature, qui rompt dans une certaine mesure avec une tradition occidentale, européenne. À partir de nouvelles perspectives, de nouvelles ontologies, ils présentent un pays plus complexe et plus intéressant.
Pourquoi cette émergence de la diversité maintenant, selon vous ? L’élection du président d’extrême droite Bolsonaro en 2018 a-t-elle pu jouer un rôle dans ce processus ?
Le processus s’est enclenché il y a plus longtemps je pense. Le Brésil est sorti d’une dictature militaire au milieu des années 1980, et rapidement après a promulgué une Constitution qui, en prenant en compte le fait que le Brésil est un pays conservateur, est très progressiste. Elle garantit les droits des peuples indigènes, ainsi qu’à d’autres communautés traditionnelles, comme les quilombolas (les descendants des habitants des quilombos, des communautés fondées au Brésil par des esclaves africains en fuite pendant la période coloniale et impériale, ndr). Les années suivantes, nous avons eu des gouvernements de centre-droit et de centre-gauche : tous ces gouvernements ont tenté, d’une manière ou d’une autre, d’implanter des politiques publiques pour honorer la Constitution, ce qui a favorisé des avancées sociales importantes. On peut notamment évoquer une politique d’ouverture des universités pour des communautés qui n’y avaient pas accès avant, principalement les Noirs. Au Brésil, selon les données démographiques, plus de 50% de la population se déclare d’origine noire - noirs et métisses. Donc cette plus grande diversité dans les universités va avoir des répercussions dans tous les domaines. Cette politique a été mise en place il y a déjà 20 ans. Quand cette génération d’étudiants sort de l’université, ils vont commencer à occuper des espaces dans les arts, en politique, dans le milieu du droit… Et d’une certaine manière, cela va aussi avoir un impact sur la littérature. Je pense que c’est un mouvement social qui a commencé il y a longtemps, mais dont on ne sent les retombées que maintenant.
L’extrême droite, Bolsonaro, a été élue il y a sept ans. Quand on est dans ces moments de risques, je crois qu’il y a aussi un effet de soulèvement qui se reflète dans l’art. Peut-être est-ce aussi pour cela que la littérature est apparue comme une grande force au cours des dernières années ?
Pour revenir à Charrue tordue, j’ai vu que vous aviez commencé à écrire ce texte à 16 ans…
C’est vrai ! C’est comme une histoire dans l’histoire (rires) ! J’avais lu des textes qui font partie de notre patrimoine culturel, principalement des œuvres écrites dans les années 1930-1940 : Graciliano Ramos, Jorge Amado, José Lins do Rego, Raquel de Queiroz. À ce moment-là, je me suis senti très influencé par ces œuvres. Et j’ai commencé à écrire une histoire dont le thème était le même que celui de Charrue tordue. Mais après 80 pages, j’ai abandonné et n’ai repris l’écriture que 20 ans plus tard. Durant ces deux décennies, j’ai fait énormément de choses. Et je crois que ce long intervalle a aidé, parce que j’ai pu travailler et grâce à ça connaître les populations rurales.
En quoi consiste votre emploi au sein de l’Institut National de Colonisation et Réforme Agraire (INCRA) ?
Je suis analyste agraire. Je travaille pour un organisme chargé des questions foncières, de mettre en place une régularisation foncière qui vise à garantir le droit à la terre pour les communautés. Le Brésil est un très grand pays et très inégal du point de vue foncier. De par la Constitution, la terre a un rôle social qui n’est pas toujours rempli. Donc dans mon métier, l’objectif est de garantir ces droits à ceux qui n’ont pas de terre, vérifier que la terre remplisse bien sa fonction sociale et qu’elle ne soit pas juste exploitée à des fins de spéculation immobilière. Cette macropolitique a un grand impact sur les communautés les plus vulnérables : les quilombolas, les habitants des bords des fleuves, les indigènes. On partage cette fonction avec la Fondation nationale des Peuples indigènes (Funai), l’autre organe responsable de la régularisation des terres indigènes. À l’heure actuelle, je suis en congé, pour pouvoir voyager, continuer à écrire et participer à des activités en rapport avec la littérature.
Une expérience en effet qui, on le sent, a nourri votre roman. Pouvez-vous d’ailleurs nous raconter l’histoire de Charrue tordue ?
C’est l’histoire d’une famille, de deux sœurs en particulier qui vivent dans une fazenda (exploitation agricole) dans l’intérieur de l’État de Bahia, au milieu des années 1960. Cette communauté de travailleurs vit encore dans des conditions d’esclavage. L’abolition de l’esclavage a pourtant été proclamée au Brésil en 1888, toutefois 80 ans plus tard, il y a encore des personnes au Brésil subissant cette même situation.
Il y a un accident, et l’une des sœurs commence à parler pour l’autre. Elles développent une relation presque symbiotique. En toile de fond, on retrouve un contexte politique de prise de conscience de la situation des travailleurs et paysans noirs comme héritiers de l’esclavage. Voilà le thème de l’histoire.
Et nous allons suivre ces personnages pendant presque 30 ans, accompagner les changements qui vont se produire dans leurs vies, mais aussi leur lutte pour la terre où ils sont nés et ont grandi, et d’où les familles courent le risque d’être expulsées.
Pensez-vous que les personnes vivant dans les grandes villes pouvaient avoir notion de la continuité de l’existence de ces conditions d’esclavage ?
Je pense que oui, bien que ce soit un sujet tabou pour les Brésiliens. On n’en parle pas trop et il n’y a pas trop de données sur cette période historique. Le Brésil a vécu presque quatre siècles d’esclavage, et donc cela a survécu en partie dans notre société, nos relations de travail, que ce soit dans la campagne, où c’est encore très commun, mais aussi dans la ville, où les employées domestiques vivent encore à l’heure actuelle parfois dans des conditions d’esclavage. Il arrive encore que certaines doivent être sauvées, n’ayant pas reçu de salaires alors qu’elles travaillent depuis 10, 20, 30 ans pour une même famille. Ce tabou n’avait jamais surgi dans le contexte d’un texte littéraire contemporain. Et cela a éveillé l’intérêt des gens pour le sujet.
Vous avez rencontré un succès foudroyant, devenant l’un des auteurs vendant le plus de livres ces dernières années. Et rien que pour Charrue tordue, votre premier roman, vous avez dépassé en octobre 2024 le million d’exemplaires vendus au Brésil. En plus d’avoir remporté tous les plus grands prix littéraires lusophones (Jabuti, Leya, Oceanos). Qu’est-ce qui explique cette grande réussite auprès des lecteurs brésiliens ?
Au Brésil, nous sommes en train de vivre ce moment historique sur le plan littéraire, dont on parlait tout à l’heure. Le Brésil rencontre sa propre Histoire, pas seulement avec Charrue tordue, mais avec beaucoup de titres publiés ces dernières années.
Le Brésil est un pays qui s’est urbanisé assez tardivement, dans les années 1960-1970. Donc cette mémoire de la campagne, des relations dans le monde rural et de l’exploitation, de l’esclavage est encore vivant dans les souvenirs de beaucoup de Brésiliens. Même ceux qui sont nés en ville ont bien souvent un père ou une mère nés à la campagne. Par exemple, de ma famille paternelle, je suis la première génération à être née en ville. Avant, ils étaient paysans : les parents, grands-parents, arrière-grands-parents… Et ces choses sont racontées dans la famille. Charrue tordue a aussi fait écho à cette mémoire commune : les gens se sont beaucoup intéressés au livre et en ont fait un livre populaire, beaucoup lu dans un pays qui n’est pas vraiment un pays de lecteurs. Et c’est très important, car ça a aussi ouvert la porte à ce que les gens s’intéressent plus à la littérature brésilienne. Depuis cinq ans, la littérature brésilienne vit quelque chose de très fort. Charrue tordue a peut-être été le premier titre à déclencher autant d’intérêt. Mais d’autres livres ont suivi le même chemin.
À quels titres pensez-vous par exemple ?
L’Envers de la peau de Jeferson Tenório (publié chez Mémoire d’encrier, ndr), Um Defeito de cor d’Ana Maria Gonçalves (non traduit en français, ndr), publié il y a une vingtaine d’années, mais qui a été récemment redécouvert et beaucoup plus lu. Mais aussi des autrices comme Conceição Evaristo, Eliana Alves Cruz, Socorro Acioli. Cet éveil de l’intérêt des lecteurs brésiliens est un phénomène vraiment très important. Nous vivons une période d’essor de la littérature brésilienne contemporaine.
Quel type de lectorat se penche sur cette nouvelle littérature ? En France, on parle beaucoup du vieillissement des lecteurs. Est-ce qu’au Brésil au contraire les jeunes générations viennent à la littérature ?
Aujourd’hui, la dynamique de la lecture suit des chemins complexes et variés. Et je pense qu’en plus des lecteurs traditionnels - adultes d’âge moyen -, il y a un grand intérêt des jeunes pour la lecture. Pendant longtemps, le Brésil a eu un très mauvais système d’éducation et a laissé une partie de la population analphabète. Au cours des 20-30 dernières années, cela a drastiquement changé. Puis ont été mises en place des politiques publiques pour diffuser la lecture. Et le Brésil est encore un pays très inégal : tout le monde ne peut pas acheter de livre.
Sans compter qu’il y a peu de livres de poche au Brésil, et que c’est un produit qui est donc cher…
Tout à fait. Donc il y a des politiques d’acquisition de livres pour distribuer dans les écoles et les bibliothèques publiques. Cela a fait une différence et je perçois un grand intérêt des jeunes. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, je crois qu’il existe une sorte de compétition du fait des réseaux sociaux, des espaces qui ont rassemblé autour de la lecture, parce que c’est un lieu de divulgation. Donc Instagram et TikTok ont apporté beaucoup de jeunes lecteurs à la littérature.
Pour revenir à la littérature justement… Dans votre recueil de nouvelles, Doramar ou a odisseia, et vos deux romans, Charrue tordue et Salvar o fogo, les personnages féminins sont souvent au centre de l’histoire. Pourquoi vouloir les mettre au premier plan ?
C’est quelque chose d’involontaire je crois. J’ai grandi dans une famille avec des femmes qui occupaient cette position d’être à la tête de la famille, de souvent ne pas pouvoir compter sur les maris et les pères de leurs enfants… Et donc d’une certaine manière, cela s’est incrusté dans mon imaginaire. Ce qui est très paradoxal, parce que le Brésil est un pays très machiste, patriarcal. Et ces femmes étaient touchées tout à la fois par la violence directe, des personnes les entourant, mais également une violence structurelle. Il y avait quelque chose d’héroïque dans leurs vies parce qu’elles ne se soumettaient pas à cette violence ; elles essayaient toujours de résister de la manière dont elles pouvaient. Voilà pourquoi dans les histoires que je raconte, elles s’imposent avec force. Ces personnages féminins forts sont le miroir de ma mère, de mes tantes, de mes grands-mères.
Votre second roman, Salvar o fogo, est paru au Brésil en 2023 et a également remporté le Prix Jabuti. Il semble s’inscrire dans la continuité de Charrue tordue…
Quand j’étais au milieu du processus d’écriture de Charrue tordue, j’ai compris que c’était une histoire qui se dédoublait finalement en deux. Ce que je n’imaginais absolument pas au début du projet.
Dans Salvar o fogo, je continue à explorer ce thème de la relation que nous avons avec le territoire, de son caractère fondamental pour notre existence. Et je parle de l’être humain en général, pas seulement des Brésiliens. Les grands conflits dans le monde sont encore des disputes pour un territoire.
Le roman raconte l’histoire d’une communauté dans un petit village appelé Tapera do Paraguaçu, à côté de Salvador, vivant à l’ombre d’un monastère catholique du XVIIe siècle. L’église est la propriétaire des terrains. Et quand elle arrive dans cette communauté, elle rejette les pratiques religieuses indigènes, d’origine africaine. Elle établit également une dichotomie, divisant le monde entre le Bien et le Mal, ce qui finit par atteindre un des personnages, Luzia do Paraguaçu. On dit qu’elle possède des pouvoirs en lien avec le feu et elle devient la cible de l’hostilité de sa propre communauté. Et l’on va peu à peu comprendre, à travers cette communauté d’origine afro-indigène, comment les personnes tout au long du temps, chacune par un moyen différent, que ce soit l’éducation, l’intuition, vont s’approprier l’histoire pour comprendre ce qui s’est passé et ce qui détermine nos vies. Comprendre cette histoire transforme leur existence : à partir de là, plus rien n’est comme avant. Ouvrir les yeux sur leur passé leur permet de mieux comprendre leur présent.
Charrue tordue a également donné naissance à une comédie musicale, qui a déjà tourné à travers le Brésil. Qu’avez-vous pensé de cette initiative ? Y avez-vous participé ?
J’ai adoré ! Je n’ai par contre pas participé à l’adaptation, j’ai préféré garder du temps pour l’écriture. Mais par contre, j’ai assisté au spectacle : il est d’une richesse visuelle éclatante, avec des compositions scéniques très intéressantes, qui respectent l’histoire, sa région, les cultures noires et indigènes. Partout où il est passé, il a conquis les spectateurs.
Il y a également une pièce qui a circulé en Europe dès 2022 qui s’appelle Depois do silêncio (Après le silence) de Christiane Jatahy. En France, il y a eu des représentations à Paris, Marseille et Lyon. Il a circulé entre l’Europe et les Etats-Unis. Ce spectacle a également permis de présenter le livre aux personnes en dehors du Brésil. Rubel et Liniker ont aussi créé une musique autour du roman.
C’est une histoire qui a fini par inspirer d’autres expressions culturelles : musique, théâtre, il y a également des projets d’adaptation audiovisuelle. C’est quelque chose qui m’a beaucoup surpris. Quand j’écrivais le roman, jamais je n’aurais pu imaginer tout ce qui allait se passer autour de lui. Dans un pays de plus en plus citadin, où les gens sont toujours sur leur portable : comment est-ce qu’ils allaient s’intéresser à une histoire de personnes qui vivent dans les marges, en situation d’esclavage ? Et heureusement, j’avais tort ! (rires)
Quels sont vos projets actuels ?
Je viens de remettre le roman qui clôt la “trilogie de la terre”, initiée avec Charrue tordue. Il doit sortir à la fin de l’année au Brésil. Au début de l’année 2026 au Portugal.
Et puis Salvar o Fogo est en cours de traduction dans 12 langues (anglais, espagnol, allemand, grec, roumain…), donc je vais accompagner sa publication dans de nombreux pays.
Je viens aussi de publier un livre pour enfants, qui s’appelle Chupim.
Écrire, c’est en tout cas vraiment ce que je veux faire. Le plus important est de ne pas se trahir. C’est mon opportunité de contempler et réfléchir sur le Brésil, sur ce qui m’entoure. Ce qui me permet aussi de réfléchir à ce que je suis moi-même.
En tant que lecteur qu’attendez-vous d’une œuvre littéraire ?
Je suis toujours à la recherche de cette expérience que seule la littérature peut nous offrir. Je veux des œuvres sincères qui explorent avec lucidité la nature humaine et la complexité de l’être. Des histoires qui me rapprochent de ma propre humanité. Peu importe que ce soit un roman venant de France, du Japon ou d’Afrique du Sud : ce qui m’intéresse, c’est que cette œuvre m’apporte quelque chose me permettant de comprendre ma propre humanité.
Quand je parle de littérature, je rigole toujours un peu en disant que je parle comme un pasteur parce que je parle justement de ce pouvoir qu’a la littérature de nous emporter.
J’écris de la littérature grâce à tout mon corps, car j’ai besoin de raviver des souvenirs, avoir cette capacité d’observer le monde autour de moi, la capacité d’imaginer pour pouvoir écrire. Donc mon corps est intégralement à disposition de ce processus. En tant que lecteur, je le mets également à disposition pour qu’une histoire vive une nouvelle fois. Un livre fermé est un objet ; il ne devient vivant que quand il est lu. Donc je lis avec les yeux, j’imagine les personnages, je vais me révolter, être ému, frissonner : le corps entier est au service de la lecture. C’est une expérience si profonde qu’elle peut transformer, élargir nos horizons, nous faire comprendre l’expérience humaine d’une manière plus profonde. On apprend plus aussi de nos imperfections, on va être plus empathique en se mettant à la place de l’autre : et c’est merveilleux. C’est toute cette profondeur que je recherche dans la lecture.
Parmi vos dernières lectures, quelles sont celles ayant été les plus marquantes ?
Un roman très court, de Claire Keegan qui s’appelle Ce genre de petites choses (publiés chez Sabine Wespieser et au Livre de poche). C’est très puissant. J’ai adoré.
James de Percival Everett (à paraître en août aux éditions de l’Olivier) m’a beaucoup marqué. Il raconte l’histoire de Jim et d’Huckleberry Finn. Mais à partir de la perspective d’un personnage qui était traité d’une manière assez simpliste dans le roman d’origine (de Mark Twain, ndr), et l’auteur le transforme en un personnage fascinant. J’ai été fasciné de voir comment une histoire écrite au XIXe siècle pouvait influencer une œuvre contemporaine de manière si originale.
Un autre roman que j’ai beaucoup aimé, c’est Orbital de Samantha Harvey (publié chez Flammarion, ndr). C’est l’histoire d’une journée dans la vie de six astronautes, quand ils sont en train de contempler la Terre et ils pensent à la planète et à la vie. C’est leur témoignage sur la relation délicate qu’ils ont avec la Terre.
Quels sont les livres que vous aimez offrir ?
Pour des lecteurs qui aiment les défis, il y a un livre brésilien, qui je pense est un des livres les plus importants écrits au XXe siècle, qui s’appelle Diadorim de João Guimarães Rosa (publié au Livre de poche). C’est un livre qui ne vieillit pas, on y trouve tout ce dont on parlait sur la complexité de l’âme humaine. Et puis c’est un défi sur le plan linguistique, une expérience sensorielle, une histoire unique.
J’aime aussi beaucoup offrir Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez. C’est un de ces livres que j’ai lus quand j’étais adolescent. Et quand j’ai fermé la dernière page, j’ai vécu comme un deuil, comme si je venais de quitter Macondo (rires).
J’aime offrir des livres que j’aime car ils peuvent offrir une expérience similaire aux autres
L’info en plus :
Charrue tordue, publié aux éditions Zulma : Au fin fond de l’arrière-pays, dans le Nordeste brésilien, Bibiana et Belonísia trouvent un beau couteau au manche d’ivoire sous le lit de leur grand-mère. Fascinées, elles décident d’en goûter le métal. Le drame qui s’ensuit marquera leur vie et les liera à jamais… Car, dans cette communauté afro-brésilienne de paysans sans terre, on vit à la merci des propriétaires terriens. Et c’est à ce monde archaïque que Bibiana va s’opposer, en se faisant la voix de sa sœur et de toute sa communauté, soudée par les rites ancestraux du Jarê et l’invocation de ses divinités.
Au Brésil, Torto arado, Salvar o fogo et Doramar ou a odisseia sont publiés chez Todavia.